Je commencerai par un extrait d’une chanson « Ballade électorale » écrite par l’anarchiste Maurice Laisant :
« Accourez et votez gaiement populace souveraine pendant le temps d’une quinzaine on vous doit des ménagements. Si Marianne prend des amants est-ce à moi de tenir le cierge, cocu sans mon consentement. Ma carte d’électeur est vierge ! »
…qui résume bien ma pensée au sujet des élections.
J’ai 65 ans et je ne me souviens pas d’avoir voté pour élire un quelconque politicien, mais il m’est arrivé de voter lors d’un référendum avec l’illusion que si ma position triomphait elle serait appliquée, ce fut le cas en mai 2005 pour le Traité sur la Constitution pour l’Europe, et malgré la victoire du Non, il a tout de même été ratifié en février 2008 sans qu’on juge bon de redemander l’avis à la population.
Donc, plus d’illusion non plus sur le référendum.
D’ailleurs est-ce qu’on demande leurs avis aux gens pour une décision aussi grave qu’une déclaration de guerre ? Que nenni !
Si les élections pouvaient vraiment servir à instaurer un régime révolutionnaire, elles seraient interdites !
Quand j’ai eu 18 ans, j’ai été automatiquement inscrit sur les listes électorales par mes parents, faut préciser que mon grand-père était alors le maire d’une petite commune du Sud-Ouest où nous vivions, et mon père le secrétaire de mairie, donc difficile d’échapper à une inscription.
Je me rappelle, enfant, avoir assisté dans la mairie aux côtés de mon père à divers scrutins, et je dois dire que je connaissais à peu près les opinions politiques de presque tous les gens de la commune, qui comptait alors 210 habitants.
Mais à 18 ans lorsque je suis « monté à la Capitale » pour travailler dans un atelier de réparation du matériel roulant de la SNCF, j’y ai rencontré les luttes sociales, l’Atelier était alors dans la Couronne rouge de Paris et était un fief de la CGT (et du PCF), qui avait alors quasiment le monopole de la contestation, mais aussi de la « reprise du travail » quand les ordres venaient du sommet de l’appareil syndical.
Mais, j’ai eu l’occasion d’y rencontrer le fils d’un républicain espagnol de la CNT (anarchosyndicaliste) qui m’a fait découvrir l’idéal libertaire de l’anarchisme et de l’abstention révolutionnaire qui le caractérise, c’est cela qui nous distingue des autres courant de l’extrême gauche, cela qui fait notre spécificité et qui forge notre identité, même si elle est souvent la plus mal comprise de nos positions et qu’il faille sans cesse l’expliquer et la réaffirmer.
De nombreux textes anarchistes parlent de l’abstention un des premiers étant « La Grève des électeurs » d’Octave Mirbeau.
http://www.homme-moderne.org/textes/classics/mirbeau/greve.html
Dans le livre de Roger Boussinot « Les Mots de l’Anarchie » (1982). Le premier des mots s’avère être abstentionnisme :
« l’abstentionnisme électoral est la conséquence logique de la définition même de l’an-anarchie et de son opposition à la politique. Toute délégation de pouvoir étant un périlleux abandon de la souveraineté individuelle (et le suffrage universel – jeu bourgeois par excellence), l’abstentionnisme n’est certes pas une façon de recouvrer cette souveraineté, mais une manifestation de réprobation à l’égard de l’escroquerie qu’est en soi, le suffrage… »
On est à cent lieues du « vote » où du « vote utile ». Certains disent qu’il est arrivé aux anarchistes de prendre le chemin des isoloirs, ce fut effectivement le cas en février 1936 en Espagne lorsque la CNT consentit à prendre part à un scrutin, mais c’était dans le but de faire libérer les milliers de militants anarchosyndicalistes emprisonnés (30 000), qui sortirent effectivement de prison à l’issue du scrutin. Donc à mille lieues d’un quelconque vote utile pour faire élire un politicien.
Plus récemment en France lors du duel Chirac, Le Pen, certains anarchistes ont appelé à faire barrage à l’extrême droite en allant voter pour Chirac.
Je ne me suis pas senti concerné par cet appel, car je pense que ce n’est pas par les urnes qu’on peut s’opposer au fascisme mais par la lutte et de toute manière vu le nombre d’anarchistes qui auraient pu aller voter, je ne pense pas sérieusement que cela aurait pu faire la différence.
À l’image des sondages de l’opinion qui varient tous les jours, les élections ne sont d’abord qu’un instantané du moment, rien ne prouve que le lendemain, dans une semaine, où dans un mois, un an, le candidat élu le serait à nouveau, mais les électeurs lui ont tout de même signé un chèque en blanc pour 5 ans.
De plus quand on fait vraiment le compte des électeurs qui ont voté pour l’élu, qu’on retire les gens qui ne sont pas inscrits (j’en connais), qui n’ont pas le droit de vote (mais celui de payer des impôts), qui s’abstiennent, qui votent blanc, et qui n’ont pas choisi au premier scrutin ce candidat, tout cela fait finalement un pourcentage ridicule, où est donc la légitimité de l’élu si on parle de Minorité et Majorité ?
Et d’abord est-ce que le fait d’avoir une Majorité (large ou infime) autorise et justifie la prise de pouvoir sur le restant de la population. De nombreux cas dans l’histoire montrent souvent que les décisions minoritaires étaient les plus raisonnables ou les plus rationnelles, mais que malheureusement elles n’ont pas eu voix au chapitre.
Je laisse la conclusion à Léo Ferré : Ils ont voté et puis après ?
- Source de l’image : carte postale suggérée par Eric